La médiation et les sociétés d'assurance
Elisabeth HABIB Médiateur et juriste chez AXA France IARD a bien voulu répondre à mes questions sur sa vision aujourd’hui de la médiation au sein des Sociétés d’Assurances.
Article publié sur Lexis Nexis (revue Jurisclasseur Actes pratiques) Trimestriel No 4 Oct Noc Déc 2019
Marie Anne GALLOT LE LORIER : quelles sont à votre avis les avancées des sociétés d’assurances en matière de médiation ?
Elisabeth HABIB : Aujourd’hui, les sociétés d’assurances ont pris conscience de la nécessité d’avoir recours à ce mode alternatif de résolution des conflits.
De manière générale, lui sont préférés d’autres modes amiables de règlements des conflits comme la transaction.
La Médiation au sens large n’est pas encore rentrée dans les habitudes de recours des gestionnaires de sinistres qui sont soumis à de nombreuses règles et process qui constituent un frein à son développement.
De même, les gestionnaires n’ont pas le réflexe d’y recourir parce que cela impliquerait pour la Société d’Assurances de les former à la Médiation ce qui suppose d’engager des frais, de la mobilisation d’expérience… ce qui n’est pas encore acquis au sein des différentes Compagnies.
Elle est plus à mes yeux vécue comme un enjeu pour permettre le désengorgement des stocks de dossiers plutôt que comme un mode de recours usuel qui pourrait connaitre un développement plus large tout comme est utilisé le recours à la transaction.
Les avancées ne sont, toutefois, pas les mêmes dans tous les domaines du droit des assurances.
En effet, le recours à la Médiation judiciaire n’est malheureusement pas, ou peu, utilisé en matière de RC comme a pu me l’indiquer la Présidente du TGI de NANTERRE et son assesseur, Responsable du développement de la Médiation.
Le recours à la Médiation conventionnelle n’est quasiment jamais utilisé dans tous les domaines que ce soit en RC ou en construction.
Dernièrement (environ depuis 3 ans) certaines Sociétés d’Assurances ont mis en place des process pour diffuser une véritable culture de la Médiation en leurs sein afin d’y avoir recours le plus souvent possible.
En mettant en place ces process, les compagnies d’Assurances se sont heurtées à différents obstacles.
MAGLL : Pouvez-vous me préciser quels sont ces types d’obstacles au recours à la Médiation ?
EH : Je classifierai ces obstacles en 3 parties :
- En participant à des colloques, je me suis aperçue que certains Magistrats s’opposent à proposer la Médiation dès lors qu’il y a des assureurs dans le litige qu’ils considèrent avoir une vision ancestrale ; heureusement qu’il ne s’agit là que d’une doctrine aujourd’hui minoritaire puisque nous arrivons à travailler de concert avec certains Magistrats qui nous aident à développer une véritable culture de la Médiation ;
- Du côté des avocats, nous nous sommes rendus compte que nos avocats ne jouaient pas le jeu du recours à la Médiation pensant que les honoraires leur échapperaient d’une part et que leur rôle serait réduit puisqu’ils ont du mal à accepter la présence du client lors des réunions de Médiation ; face à ce comportement des mesures ont été prises comme demander aux avocats de se former à la Médiation, depuis le déclenchement des Médiations se fait plus naturellement
- L’enjeu que représente la Médiation, puisque certaines Société d’Assurances se disent friandes de recourir à la Médiation par une communication qui malheureusement ne se retrouve pas au moment de donner son accord pour y recourir, où même, si elles donnent leur accord, se présentent à la réunion et disent ne rien vouloir entendre sur la solution médiée ce qui a pour conséquence d’y faire échec
MAGLL : Compte tenu de vos observations pensez-vous que l’effort de recourir à la Médiation doit se poursuivre activement au sein des Sociétés d’Assurances ?
EH : je pense qu’il faut poursuivre activement cet effort mais nous sommes dans un système où la culture du conflit a été sacralisée de sorte qu’il est très difficile d’en sortir et qu’il va falloir être très inventif pour permettre de remplacer la culture du conflit par celle du recours à la négociation et aux différents modes alternatifs de règlement des conflits.
Pour cela, il faut que chacun devienne un partenaire et non pas un obstacle et ces partenariats sont loin d’être effectifs à l’aube de la loi justice 21 et du développement informatique.
En tout état de cause, le droit positif va dans le sens du développement de la Médiation et des modes alternatifs de règlement des conflits, de sorte qu’il sera difficile de se démettre…il faudra donc s’y soumettre !!!